Maurice Couturier (dir), « Vladimir Nabokov, Œuvres romanesques complètes, tome 2 »

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« Ce volume marque un tournant. Il contient, d’une part, deux romans écrits en russe à la fin des années 1930 : Le Don, le plus magistral des livres russes de Nabokov, et L’Enchanteur, où apparaît la première «nymphette» nabokovienne et qui ne fut publié qu’en 1986, dans la traduction anglaise due au fils de l’écrivain. Il réunit, d’autre part, les trois premiers romans que Nabokov composa en anglais et un livre qui, pour n’être pas le plus connu de son auteur, n’en est pas moins un chef-d’œuvre : l’autobiographie Autres rivages, dont le point de départ date des années 1930 ; il s’agissait alors d’un texte en français sur la gouvernante du petit Vladimir, mais il fut entièrement recomposé en anglais avant de paraître en 1951. Période charnière, donc, qui voit la naissance et, avec Lolita, la consécration d’un écrivain de langue anglaise. L’accouchement, qui est aussi un arrachement, ne se fit pas sans douleur. Le changement de terre, le changement de langue, l’ombre menaçante des totalitarismes confèrent aux livres de cette période une particulière intensité tragique. Plusieurs textes évoquent la perte (notamment La Vraie Vie de Sebastian Knight, dont le héros est un écrivain) et ce que le latin nomme desiderium : désir, besoin, regret. Il faut renoncer à l’enfance, aux amours anciennes, à la littérature russe (véritable héroïne du Don), à toutes « ces choses que le destin empaqueta un jour, pêle-mêle, et jeta à la mer ». Mais Nabokov, à vrai dire, n’y renonce pas. Il les métamorphose et les rend inoubliables. »

Couturier, Maurice, Direction des Œuvres romanesques complètes de V. Nabokov, vol. II, Paris, Gallimard, bibliothèque de la Pléiade, 2010.